Chien guide à l’école, obligations en matière d’accès à l’éducation et obligation d’accommodement
11 décembre 2017
Le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario décide[1] que la Waterloo Catholic District School (le « Conseil ») n’a pas failli à son obligation d’accommodement en refusant qu’un chien guide accompagne un écolier à l’école. Bref retour sur cette décision.
Les faits
Le requérant est un enfant présentant un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Ses parents ont fait appel à La Fondation des Lions du Canada (la « Fondation ») pour obtenir un chien guide qui puisse l’assister dans son quotidien. Ils souhaitaient que le chien guide aide leur fils à réguler son humeur et à réduire ses comportements à risque. Leur dossier a été accepté par la Fondation au mois d’avril 2014.
À cette même époque, le père du requérant adresse un courriel au directeur et à un éducateur spécialisé de l’école de son fils ; il souhaite que le chien guide accompagne son fils, alors âgé de presque 5 ans, à l’école et qu’il soit à ses cotés lorsque ce dernier est en classe. Sa famille estimait également que le chien guide allait l’aider à canaliser son comportement et ses émotions et, améliorer ainsi ses chances de réussite scolaire. Le père se voit opposer une première réponse défavorable justifiée par les politiques de l’école. Le directeur lui indique par ailleurs que le requérant n’éprouvait aucune difficulté particulière et que, bien au contraire, « il s’en sortait très bien ».
Dix-sept mois plus tard le dossier est relancé. Le 11 novembre 2015, le père du requérant réitère sa demande mais cette fois-ci auprès de la directrice des services pédagogiques spécialisés (« la directrice »). Le 2 décembre 2015, une réunion est organisée entre certains représentants de l’école et le père du requérant. Au cours de cette réunion, les parties exprimèrent des avis différents sur la situation de l’écolier. Alors que le père trouvait que son fils éprouvait des difficultés, les autorités scolaires estimaient que sa scolarité se déroulait bien et que la présence d’un chien guide pourrait au contraire freiner ses progrès. Les autorités scolaires lui ont alors proposé que l’équipe spécialisée en gestion du comportement (« Behaviour Support Team ») observe le requérant en classe. Ce dernier a accepté même s’il ne comprenait pas comment cette équipe pouvait offrir une meilleure évaluation des besoins de son fils que celle fournie par les psychologues consultés dans le secteur privé. De son coté, la directrice justifiait cette initiative par la nécessité d’évaluer les besoins du requérant dans son environnement scolaire.
L’équipe spécialisée en gestion du comportement (« l’équipe spécialisée ») a observé le requérant pendant deux semaines ; aucun problème majeur n’a été constaté. Les échanges entre les parties se sont poursuivis et finalement, le 10 mars 2016, le Conseil rejette la demande de la famille. Selon le Conseil, l’absence d’un chien guide n’avait eu aucune conséquence négative sur la scolarité du requérant, laquelle scolarité faisait état de bons résultats ainsi qu’une bonne intégration sociale. Estimant que ce refus constituait une décision discriminatoire fondée sur son handicap, le père a déposé au nom de son fils une plainte en application de l’article 34 du Code des droits de la personne.
La décision
Le requérant estime que le conseil n’a pas respecté son obligation d’accommodement, ce qui lui a causé un préjudice en matière d’accès à l’éducation.
Le Tribunal rappelle le cadre d’analyse en matière de discrimination dans le contexte de l’éducation (Moore c. Colombie‑Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, [2012] 3 RCS 360) :
Pour établir à première vue l’existence de discrimination, les plaignants doivent démontrer qu’ils possèdent une caractéristique protégée par le Code contre la discrimination, qu’ils ont subi un effet préjudiciable relativement au service concerné et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. Une fois la discrimination établie à première vue, l’intimé a alors le fardeau de justifier la conduite ou la pratique suivant le régime d’exemptions prévu par les lois sur les droits de la personne. Si la conduite ou pratique ne peut être justifiée, le tribunal conclura à l’existence de la discrimination.
Par ailleurs, l’obligation d’accommodement comporte 2 aspects : un aspect procédural et un aspect lié au fond (Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 RCS 3, 176 DLR (4e) 1). L’aspect procédural exige du prestataire un examen sérieux de la manière dont il peut accommoder le demandeur. Il doit mener une enquête de façon raisonnable afin de comprendre les besoins d’accommodement du demandeur. L’aspect lié au fond porte sur les options que le prestataire a envisagées ; il doit être en mesure de démontrer qu’il aurait été dans l’impossibilité de « composer avec le demandeur » sans subir de contraintes excessives.
Selon le Tribunal, le déroulement des événements et des échanges entre les parties ne révèle pas vraiment de failles sur le plan procédural. Les demandes du requérant ont été traitées avec diligence. De même, les différentes rencontres organisées avec la famille du requérant et les autorités scolaires appropriées constituaient des initiatives nécessaires. Par ailleurs, l’évaluation de l’équipe spécialisée proposée par le conseil était aussi un aspect important et nécessaire de l’obligation du conseil. Cette équipe, compte tenu de son expertise, était bien placée pour déceler et évaluer les éventuels besoins du requérant en matière d’apprentissage.
Sur le fond, le conseil a aussi respecté son obligation. Il convient de noter que, dans cette affaire, la preuve est abondante et implique l’expertise professionnelle de plusieurs personnes : les autorités scolaires dont le directeur de l’école, le directrice des services pédagogiques spécialisés, la directrice des services pédagogiques, les éducateurs spécialisés mais aussi les psychologues ou l’analyste en comportement du requérant ou encore le représentant de la Fondation. De manière générale, les professionnels qui ont été en contact avec le requérant en dehors du milieu scolaire adoptent la position selon laquelle la présence du chien a eu des conséquences positives sur lui. Toutefois, étant donné que ces conclusions ne résultent pas de constatations faites dans le contexte scolaire, elles ne sont pas probantes et seraient même spéculatives pour certaines d’entres elles. Par conséquent, le tribunal ne pouvait accepter ces opinions comme éléments de preuve démontrant que le chien guide était nécessaire pour répondre aux besoins individuels du requérant en matière d’accès à l’enseignement. À l’inverse, les autorités scolaires ont conclu leur enquête sur la base d’une observation directe du requérant à l’école. Non seulement l’équipe spécifiquement chargée d’observer le requérant n’a rien constaté d’inquiétant mais la preuve montrait que les résultats de l’écolier étaient satisfaisants. Certes, certains aspects du dossier scolaire du requérant pouvaient faire l’objet d’une amélioration et certains incidents avaient été rapportés. Pour autant, rien ne démontrait que la présence d’un chien guide pourrait constituer une solution efficace pour remédier à ces difficultés.
Conclusion
En refusant la présence du chien guide, le conseil n’a pas miné les droits du requérant en matière d’accès à l’éducation. Les mesures mises en place pour répondre aux besoins liés à son handicap lui donnaient déjà la possibilité d’atteindre l’objectif décrit par la Loi sur l’éducation, LRO 1990, chap E2, à savoir réaliser son potentiel et devenir un citoyen possédant de solides compétences, connaissances et qualités humaines qui contribueront au bien-être de la société où il vit. Il va sans dire que la portée de cette décision ne doit pas être généralisée. La légitimité de la présence d’un chien guide à l’école doit être analysée au cas par cas et dépendra des besoins particuliers de chaque écolier.
[1] J.F. v Waterloo Catholic District School Board, 2017 HRTO 1121.
Biographie:
Gaëlle étudie à l’Université d’Ottawa dans le programme de common law en français. Elle obtiendra son J.D. en 2019. Formée à l’étranger, elle est titulaire d’une maîtrise en droit, obtenue dans une université française.
À NOTER : Cet article de blogue était originalement publié sur le site de Juriblogue.ca.
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