La COVID-19 a causé des répercussions importantes sur le droit de l’immigration tout comme plusieurs autres aspects de la société canadienne. On a fait face à une baisse historique de demandeurs d’asile à la suite de la fermeture temporaire de nos frontières terrestres et aériennes. La pandémie a également occasionné un ralentissement aléatoire du temps requis pour traiter les demandes. Les délais de temps ont doublé. Voyons alors comment le gouvernement a répondu aux conséquences de la COVID-19.
Numérisation des processus
Avec les fermetures imposées de plusieurs bureaux dès le début de la pandémie, une des premières réponses du gouvernement canadien a été la numérisation des processus d’immigration. En effet, les bureaux de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) et de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) ont fermés durant la pandémie et les rendez-vous et les audiences ont été annulés. Par exemple, le formulaire « Fondement de la demande d’asile » ne pouvait plus être remis en personne et devait être envoyé par services de messagerie. L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a également reporté la plupart des expulsions en raison des risques de la COVID-19. En octobre 2021, le Portail canadien de la protection des réfugiés a été lancé, afin que les gens qui se trouvent déjà au Canada puissent soumettre une demande d’asile en ligne. Depuis, la soumission en ligne est devenue obligatoire. Dorénavant, si une personne veut soumettre une demande d’asile sur papier, elle doit envoyer un courriel à l’IRCC pour justifier la raison pour laquelle elle ne peut pas soumettre une demande en ligne. Cette nouvelle procédure peut être désavantageuse pour les réfugiés et les immigrants qui n’ont pas toujours accès à un ordinateur et qui parfois n’ont qu’un cellulaire. Dans le budget déposé le 7 avril 2022, le gouvernement avait souligné son intention de modifier la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés afin d’exiger la soumission en ligne de toutes les demandes d’asile. Toutefois, le gouvernement a abandonné cette idée à la suite d’inquiétudes soulevées par les experts en immigration quant à la barrière que cette nouvelle exigence représenterait pour les immigrants et réfugiés.
Audiences virtuelles
Jusqu’à nouvel ordre, les audiences de la CISR sont tenues virtuellement par visioconférence ou en appelant à l’aide d’un code de téléconférence. Seuls les cas urgents et particulièrement sensibles sont pris en compte pour les audiences en personne, et ce, au cas par cas. Le droit Afin d’appuyer les mesures visant à protéger la santé publique prises par le gouvernement du Canada en réponse à la COVID-19, le Règlement modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (Loi sur les mesures d’urgence et Loi sur la mise en quarantaine) a été pris. Ce règlement permet d’assurer le respect des décrets et règlements pris en réponse à la COVID-19 chez les travailleurs étrangers et employeurs qui embauchent ces derniers via le Programme des travailleurs étrangers temporaires et le Programme de mobilité internationale. Plusieurs modifications aux règlements ont été faites à cette fin. , la définition de la COVID-19 a été ajoutée à l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR). En outre, le gouvernement fédéral a inclus à la période d’emploi pour laquelle un permis de travail est délivré, la période pendant laquelle un étranger doit s’isoler ou se mettre en quarantaine à son entrée au Canada (au paragraphe 209.2(2) de la RIPR). On a également ajouté des dispositions qui énoncent qu’un employeur ne peut pas prendre des mesures visant à empêcher un étranger de respecter un règlement ou décret pris en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence ou de la Loi sur la mise en quarantaine. Toute exigence prévue par une loi provinciale qui régit la santé publique adoptée en réponse à la COVID-19 doit également être respectée. Ces modifications réglementaires établissent que tout résident temporaire ne respectant pas une ordonnance prise en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine ou de la Loi sur les mesures d’urgence, peut se voir interdit de territoire, faire l’objet d’une mesure de renvoi ou se voir interdit le retour au Canada pendant un an. Compte tenu du retour graduel au cours normal des affaires, certains décrets ne sont plus en vigueur. C’est notamment le cas du Décret visant la réduction du risque d’exposition à la COVID-19 au Canada (interdiction d’entrée au Canada en provenance des États-Unis) pris par l’Agence de la santé publique du Canada. Levé le 31 mars 2022, ce décret avait pour but d’interdire l’entrée au Canada de ressortissants étrangers en provenance des États-Unis atteints de la COVID-19 ou présentant des symptômes. Le décret visait également à éliminer l’interdiction d’entrée pour les demandeurs d’asile qui traversent entre les points d’entrée. avait, quant à lui, pour but d’imposer aux demandeurs d’asile vaccinés qui arrivent sans un résultat de test valide avant l’arrivée, l’obligation de se soumettre à un test de dépistage. De plus, ceux-ci devaient se mettre en quarantaine jusqu’à la réception d’un résultat négatif ou jusqu’à l’expiration de la période de quarantaine. Ce décret n’est plus en vigueur depuis le 31 janvier 2022.
Qu’en est-il de la jurisprudence ?
La Cour fédérale a reconnu les risques liés à la pandémie dans des décisions portant sur l’accord d’un sursis à une mesure de renvoi. Selon l’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), une mesure de renvoi n’est exécutoire que si elle ne fait pas l’objet d’un sursis. En effet, un demandeur avec une mesure de renvoi peut demander de surseoir à l’exécution de celle-ci dans les cas énoncés à l’article 50 de la LIPR. Selon le critère tripartite à satisfaire dans une requête en vue de l’octroi d’un sursis au renvoi du Canada, un demandeur doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que :
- la demande sous-jacente soulève une question sérieuse à juger ;
- le demandeur subira un préjudice irréparable s’il est renvoyé dans son pays ;
- la probabilité des inconvénients milite en faveur de l’octroi du sursis (R c Société Radio-Canada, 2018 CSC 5 au para 12, cité dans Revell c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 716 (CanLII) au para 12).
Ainsi, dans la décision Cetinkaya v Canada (Public Safety and Emergency Preparedness), 2021 CanLII 34297 (FC), la Cour fédérale a reconnu que les risques liés à la pandémie constituaient un préjudice irréparable pour le demandeur. En effet, il a été conclu que les niveaux croissants de transmission de la COVID-19 et ses variants, ainsi que la fermeture des frontières aux voyages aériens entre les nations les plus touchées rencontraient le deuxième volet du critère tripartite. Toutefois, dans la décision Susal v Canada (Citizenship and Immigration), 2021 CanLII 117296 (FC), la Cour a souligné que malgré le fait que la pandémie puisse fournir une base pour conclure à un risque réel de préjudice irréparable, tout dépend des circonstances spécifiques de chaque cas (au para 14). On ne peut pas tout simplement assumer que la pandémie a créé un risque pour toutes les personnes susceptibles d’être renvoyées du Canada. Il faut que, selon la prépondérance des probabilités, les risques auxquels le demandeur ou la demanderesse pourrait être confronté dans le pays de renvoi en conséquence de la pandémie soient suffisamment personnalisés et liés à sa situation. La Cour a également rappelé que le statut de vaccination était un facteur crucial à considérer lors de l’évaluation de la gravité du risque d’exposition à la COVID-19. En effet, la vaccination réduit le risque d’être infecté par la COVID-19. Une personne non-vaccinée ne peut donc pas se plaindre d’un préjudice qu’elle pourrait potentiellement éviter en étant vaccinée. Ainsi, la Cour a souligné qu’une requête de sursis ne pouvait pas reposer sur des allégations de préjudice irréparable lorsqu’un demandeur ou une demanderesse avait le choix ou la possibilité de mitiger ce risque (au para 17). Dans une décision récente, la Cour a reconnu que, depuis le début de la pandémie, les circonstances relatives à la COVID-19 ont considérablement changé. Les risques ne sont plus suffisants pour faire pencher la balance en faveur d’une conclusion de préjudice irréparable (Revell v Canada (Public Safety and Emergency Preparedness), 2021 CanLII 115181 (FC) au para 2). En effet, plusieurs pays connaissent maintenant des taux élevés de vaccination au sein de leur population et la quarantaine ou l’auto-isolation ne sont plus exigées.
En conclusion, la situation changeante de la COVID-19 a engendré une série de mesures procédurales et législatives par le gouvernement fédéral. Ce dernier veut éviter de dévier de ses objectifs en matière d’immigration qui profitent à l’économie et au patrimoine canadien. Les tribunaux canadiens ont également suivi en tenant compte des circonstances extraordinaires de la pandémie lors de la prise de décisions portant sur les mesures de renvoi. Toutefois, le cas spécifique de la pandémie est complexe. Il pourrait y avoir des montées inattendues du taux d’infection à l’avenir. Ainsi, avec l’adoption de décrets pour une durée déterminée et l’évolution des décisions juridiques, nous observons un effort de répondre aux droits et aux besoins évolutifs de la société durant cette période difficile. En espérant que la tendance d’infection de la COVID-19 restera à la baisse, il sera intéressant de suivre la progression du droit de l’immigration au Canada face à l’incertitude que représente la pandémie de la COVID-19.
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Ressources connexes
- La réponse du gouvernement du Canada à la COVID-19 (justice.gc.ca)
- Maladie à coronavirus (COVID-19) : candidats à l’immigration – Canada.ca
- Les répercussions de la maladie à coronavirus (COVID-19) sur l’immigration, les réfugiés, la citoyenneté et les services de passeport – Canada.ca
- Droit de l’immigration | Dossier thématique | Jurisource.ca
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