La Cour suprême a jugé que les barreaux de la Colombie-Britannique et de l’Ontario avaient le pouvoir de refuser d’accréditer une faculté de droit qui aurait obligé les étudiants à respecter un code de conduite imposant des limites en matière de comportements sexuels

La Cour suprême a jugé que les barreaux de la Colombie-Britannique et de l’Ontario avaient le pouvoir de refuser d’accréditer une faculté de droit qui aurait obligé les étudiants à respecter un code de conduite imposant des limites en matière de comportements sexuels

Dans la décision Trinity Western University c Barreau du Haut-Canada[1], la Cour suprême du Canada se prononce sur le refus d’accréditer une faculté de droit qui aurait obligé les étudiants à respecter un code de conduite d’inspiration religieuse imposant des limites en matière de comportements sexuels. Essentiellement, la Cour suprême répond à la question de savoir si les décisions des barreaux étaient raisonnables. 

  

Survol des faits 

Trinity Western University (« TWU ») est une université chrétienne privée. Elle souhaite ouvrir une faculté de droit. Tous les étudiants et professeurs de TWU doivent respecter un code de conduite qui interdit toute intimité sexuelle en dehors des liens du mariage entre un homme et une femme. Les étudiants et les professeurs doivent se conformer au code de conduite pendant toute la durée de leurs études ou de leur carrière à TWU. 

TWU a demandé que la faculté de droit qu’elle propose soit reconnue par le barreau de la Colombie-Britannique et le Barreau de l’Ontario. Les deux Barreaux ont décidé de ne pas accepter la proposition. Par la suite, TWU et l’un de ses diplômés ont demandé la révision judiciaire des décisions des barreaux dans les deux provinces. Les demandeurs alléguaient que les décisions par les deux barreaux violaient la liberté de religion et d’autres droits protégés par la Charte. 

  

Analyse juridique  

Devant la Cour suprême du Canada, les juges majoritaires ont déterminé que les décisions de ne pas reconnaitre la faculté de droit proposée par TWU étaient raisonnables. 

Étendue du mandat confié par la loi au Barreau du Haut-Canada 

Selon la Cour suprême, la Loi sur le Barreau exige que les conseillers du Barreau tiennent compte de l’objectif primordial de protéger l’intérêt public lorsqu’ils déterminent les conditions d’admission dans la profession. Ceci est notamment prévu au paragraphe 4.2(3). 

En l’espèce, le Barreau du Haut-Canada a déterminé que le fait d’accréditer la faculté de droit proposée par TWU aurait un effet défavorable sur l’accès équitable à la profession juridique et sur la diversité au sein de celle-ci. Cette reconnaissance de la faculté de droit causerait également un préjudice aux personnes LGBTQ. Ce même préjudice serait forcément incompatible avec l’intérêt public. 

Le fait que le Barreau du Haut-Canada doit, en vertu de la Loi sur le Barreau, se préoccuper du maintien et de l’avancement de la cause de la justice lui permettait de prendre en considération les préjudices potentiels à la communauté LGBTQ. 

Mise en balance proportionnée 

D’après le cadre d’analyse dans les arrêts Doré et Loyola, la cour de révision doit se demander s’il existait d’autres possibilités raisonnables qui donneraient davantage effet aux protections conférées par la Charte eu égard aux objectifs applicables. En l’espèce, seules deux possibilités s’offraient au Barreau du Haut-Canada – accréditer ou ne pas accréditer la faculté de droit proposée par TWU. 

Selon les juges majoritaires, la décision du Barreau du Haut-Canada a mis en balance de façon raisonnable la gravité de l’atteinte et les avantages de favoriser la réalisation des objectifs visés par la loi. En effet, la décision du Barreau du Haut-Canada ne fait que limiter la capacité de TWU d’exploiter une faculté de droit régie par le code de conduite obligatoire. La décision ne restreint pas de manière importante la liberté de religion. 

En ce qui a trait à la restriction mineure à la liberté de religion, deux raisons appuient le raisonnement de la Cour. D’abord, il n’est pas absolument nécessaire d’adhérer à un covenant obligatoire pour étudier le droit dans un milieu chrétien. Ensuite, le fait de fréquenter une faculté de droit chrétienne constitue une préférence – et non une nécessité – pour les éventuels étudiants en droit de TWU. 

En somme, le Barreau du Haut-Canada a choisi de retenir une interprétation de l’intérêt public qui favorise des valeurs fondées sur le mérite et la diversité, et non sur des pratiques d’exclusion. 

  

Conclusion 

La décision du Barreau du Haut-Canada de ne pas accréditer la faculté de droit proposée par TWU a été confirmée. Devant la Cour suprême, il y a eu plusieurs intervenants des deux côtés de la question. Sans surprise, plusieurs ont applaudi le soutien de la Cour en matière de diversité et d’égalité dans la profession juridique. En revanche, d’autres ont critiqué ce qu’ils considèrent comme étant une limite déraisonnable à la liberté de religion et, de ce fait, à la diversité. 

  

À NOTER : Cet article de blogue était originalement publié sur le site de Juriblogue.ca.  

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[1] Trinity Western University c Barreau du Haut-Canada, 2018 CSC 33.