Quels sont les principaux changements annoncés par le gouvernement dans la loi ontarienne portant sur le bien-être de l’enfance?

Quels sont les principaux changements annoncés par le gouvernement dans la loi ontarienne portant sur le bien-être de l’enfance?

Le 1er juin 2017, le gouvernement ontarien a adopté la Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille qui va réformer le droit de l’enfance en Ontario. Voici un bref survol des principaux changements qui y seront prévus lors de sa mise en vigueur. 

La Loi sur les services à l’enfance et à la famille (ci-après « LSEF ») a toujours eu pour objectif premier la protection des enfants vulnérables dans notre société. Or, l’examen de 2015 de la LSEF a décelé quelques lacunes qui ont mené à l’adoption le 1er juin 2017 de la Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille (ci-après « LSEJF »)[1]. Quels sont les changements principaux visés dans la LSEJF? 

  1. Principes énoncés dans la LSEJF
    1.1    Droit d’être entendu
    Dans son préambule, la LSEJF énonce certains principes généraux qui se fondent sur la Convention relative aux droits de l’enfant. Elle doit être compatible en tout point avec cette Convention des Nations Unies[2] qui reconnaît notamment le droit de l’enfant d’être entendu et celui de ne pas faire l’objet de discrimination. 

Dorénavant, la LSEJF accorde une plus grande place aux enfants dans la prise des décisions qui les concernent, y compris en matière d’adoption[3]. Autrement dit, on leur permettra dorénavant de participer activement à la prise de décisions les concernant et aux services qui leur sont offerts en les informant de leurs droits et en tenant compte de leur opinion[4]. Cette intégration des jeunes est primordiale, puisqu’elle va leur permettre de se percevoir en tant que titulaires de droits et non en tant que simple objet de droit[5]. Mais il devient légitime de se demander comment en pratique ce principe sera mis à exécution. L’opinion d’un jeune enfant aura-t-elle le même poids que celui d’un adolescent? Voilà pourquoi le gouvernement prévoit de clarifier ses attentes envers les fournisseurs de services pour adapter ces services en conséquence[6]. Cette initiative du gouvernement aura pour effet de créer un lien de confiance entre les jeunes et le régime de protection. Après tout, comment la loi peut-elle prétendre protéger les jeunes si elle ne les laisse pas s’exprimer ? 

1.2    Droit de ne pas faire l’objet de discrimination
La LSEJF reconnaît également l’importance de lutter en faveur des enfants et des familles contre le racisme systémique[7]. L’examen de 2015 a dénoncé le manque d’intégration culturelle dans la LSEF qui touche tout particulièrement les familles afro-canadiennes et les familles autochtones surreprésentées dans le système de protection des enfants[8]. La LSEJF offrira des services culturellement appropriés, afin de répondre à la réalité ethnique de l’Ontario et non à une normalisation de la loi en faveur de la famille caucasienne. Les jeunes autochtones seront sujets à des mesures de protection qui prennent en compte leurs lois et culture[9]. De plus, l’article 74 de la LSEJF prévoit qu’une décision en faveur de l’intérêt de l’enfant autochtone doit respecter son identité culturelle et ses liens qui l’unissent à la communauté[10]. Il est bien connu que le Canada aime se donner un rôle de premier plan dans la protection des minorités, notamment avec ses efforts de réconciliation avec les peuples autochtones. Nous avons l’obligation en tant que société de protéger cette diversité dont nous sommes si fiers. 

 

  1. Âge des jeunes pouvant bénéficier des services
    La LSEJF va offrir des services à tous les enfants de moins de 18 ans, alors que la LSEF limite grandement l’accès aux services aux jeunes de 16 et 17 ans[11]. Par exemple, la LSEF ne permet pas à la Société d’aide à l’enfance d’enquêter sur une plainte et de prendre sous son aile les jeunes de 16 et 17 ans[12]. Cela crée une certaine incohérence par rapport à d’autres lois ontariennes telles que la Loi portant réforme du droit de l’enfance et aux législations des provinces canadiennes, dont le Québec, qui fixent l’âge de la majorité à 18 ans[13]. Par contre, eu égard à la nécessité de respecter l’opinion de l’enfant, il est tout à fait naturel que les services, dans la LSEJF, soient offerts sur une base volontaire à partir de 16 ans. De toute manière, le fait que les adolescents contestent les décisions prises à leur égard n’est pas inusité. Par conséquent, le gouvernement assure une bonne gestion de ses ressources en fournissant aux jeunes qui le veulent les installations nécessaires aux études[14], en luttant par la même occasion contre l’itinérance des sans-abris et le trafic humain[15]. 

 

  1. Accroissement des mesures de prévention
    Dorénavant, la LSEJF mettra l’accent sur les mesures de prévention pour éviter les interventions intrusives lors de crises familiales[16]. Il ne faut pas oublier que les sociétés d’aide à l’enfance jouissent d’un pouvoir exceptionnel octroyé par la loi, soit celui de s’ingérer dans la sphère privée des familles. À cet effet, la nouvelle loi vise les interventions précoces et l’aide communautaire afin d’éviter les situations de crise nécessitant une intervention plus intrusive, comme le retrait de l’enfant de son foyer familial[17]. 
  2. Responsabilité des fournisseurs de services et des organismes responsables
    La LSEJF prévoit un pouvoir de surveillance et de responsabilisation des fournisseurs de services et des organismes responsables. À titre d’exemple, elle prévoit que les dirigeants, administrateurs et employés des sociétés d’aide à l’enfance doivent agir de bonne foi et dans le cadre de leurs fonctions pour jouir d’une immunité, a contrario ils pourraient se voir tenus personnellement responsables[18]. De plus, le par. 33 (5) de la LSEJF prévoit que le ministre pourra mettre fin au financement accordé à un organisme ou un fournisseur si ceux-ci ne se conforment pas aux directives afférentes. Dans ce contexte, il est évident que le législateur souhaite s’assurer que les services donnés soient « sécuritaires, uniformes et d’excellente qualité dans toute la province »[19]. 

En somme, la LSEJF annonce des changements nécessaires pour prendre en compte le bien-être des enfants, puisqu’elle leur permettra de jouer un rôle d’agent actif et non de simple subordonné. Le gouvernement espère ainsi qu’en appuyant les jeunes de la sorte, il leur donne une chance de devenir des adultes indispensables sur les plans économique et social[20]. Après tout, les jeunes sont sans équivoque la relève de notre société. 

 

BIBLIOGRAPHIE 

Législation 

  • Loi sur les services à l’enfance et à famille, LRO 1990, c C-11. 
  • Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille, LO 2017, c 14, annexe 1. 

Sources secondaires 

  • MSEJ de l’Ontario, communiqué, « L’Ontario adopte une législation pour renforcer le bien-être de l’enfance et améliorer les résultats pour les jeunes » (1er juin 2017), en ligne : <https://news.ontario.ca/mcys/fr/2017/06/lontario-adopte-une-legislation-pour-renforcer-le-bien-etre-de-lenfance-et-ameliorer-les-resultats-p.html>. 
  • MSEJ de l’Ontario, communiqué, « L’Ontario renforce la législation aux services à l’enfance et la jeunesse » (8 décembre 2016), en ligne : <http://www.children.gov.on.ca/htdocs/French/professionals/childwelfare/modern-legislation.aspx>. 
  • MSEJ de l’Ontario, « Rapport de l’examen 2015 de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille » (1er avril 2015), en ligne :<http://www.children.gov.on.ca/htdocs/French/documents/about/    CFSA2015/CFSAReviewReport.pdf>. 

[1] MSEJ de l’Ontario, communiqué, « L’Ontario renforce la législation aux services à l’enfance et la jeunesse » (8 décembre 2016), en ligne : <http://www.children.gov.on.ca/htdocs/French/professionals/childwelfare/modern-legislation.aspx> [Communiqué].
[2] Ibid.
[3] Ibid.
[4] Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille, LO 2017, c 14, annexe 1, art 3 [LSEJF].
[5] MSEJ de l’Ontario, « Rapport de l’examen 2015 de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille » (1er avril 2015), en ligne : <http://www.children.gov.on.ca/htdocs/French/documents/about/  CFSA2015/CFSAReviewReport.pdf> [Rapport].
[6] Communiqué, supra note 1.
[7] Ibid.
[8] Rapport, supra note 5.
[9] Communiqué, supra note 1.
[10] LSEJF, supra note 4, art 74(3)(b).
[11] Communiqué, supra note 1.
[12] Loi sur les services à l’enfance et à famille, LRO 1990, c C-11, art 15(3).
[13] Rapport, supra note 5.
[14] Sandro Contenta, « New Ontario child protection law will give kids a say », The Star (7 décembre 2016), en ligne : <https://www.thestar.com/news/canada/2016/12/07/new-ontario-child-protection-law-will-give-kids-a-say.html>.
[15] Laurie Monsebraaten, « Ontario introduces ‘historic’ changes to child-protection laws », The Star (8 décembre 2016), en ligne : <https://www.thestar.com/news/gta/2016/12/08/ontario-introduces-historic-changes-to-child-protection-laws.html>.
[16] Communiqué, supra note 1.
[17] Ibid.
[18] LSEJF, supra note 4, art 37.
[19] Ontario, communiqué, « L’Ontario adopte une législation pour renforcer le bien-être de l’enfance et améliorer les résultats pour les jeunes » (1er juin 2017), en ligne : <https://news.ontario.ca/mcys/fr/2017/06/lontario-adopte-une-legislation-pour-renforcer-le-bien-etre-de-lenfance-et-ameliorer-les-resultats-p.html>.
[20] Ibid. 

 

Biographie 

Roxanne a complété ses études à l’Université d’Ottawa où elle a obtenu une licence en droit civil et un J.D. dans le cadre du Programme national. Tout au long de son parcours, elle s’est distinguée par son intérêt pour les disciplines juridiques qui concernent l’être humain, comme le droit de la famille, le droit de l’enfance et le droit des successions. 

 

À NOTER : Cet article de blogue était originalement publié sur le site de Juriblogue.ca.  

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