« nonobstant » (Terminologie)

Cette ressource de l’Université de Saint-Boniface met l’accent sur les nuances linguistiques de l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés appelé communément la clause nonobstant ou dérogatoire.

 

Nonobstant les emplois anciens, que dit-on maintenant?

 

Les avocats d’une certaine époque truffaient leurs textes et leurs plaidoiries du mot « nonobstant ». Quel est donc le sens véritable de ce terme maintenant considéré comme vieilli dans la langue courante et encore présent jusqu’à un certain point dans la langue juridique?

 

Mentionnons d’abord son origine latine non obstante, qui veut littéralement dire : sans faire obstacle. En français, la préposition « nonobstant » a pris le sens de « sans être empêché par quelque chose ou sans s’y arrêter » (Robert). Pour rendre cette notion, on se sert davantage aujourd’hui des expressions: malgré, en dépit de, sans égard à. Ainsi, on aurait pu lire autrefois: Nonobstant ses nombreux retards, ce compositeur a réussi à livrer une symphonie merveilleuse. En français juridique, on trouve encore des tournures du genre « nonobstant les dispositions contraires… », « nonobstant appel », « nonobstant le fait que… ».

 

Par ailleurs, nous désirons signaler l’emploi fautif de l’expression « clause nonobstant » pour désigner l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui autorise le Parlement fédéral et les assemblées législatives provinciales à déroger temporairement à des droits et libertés garantis par la Charte. Ce calque intégral de l’expression journalistique anglaise « notwithstanding clause » est à proscrire pour différentes raisons. En premier lieu, dans le libellé de l’article 33, le terme français « indépendamment » et le terme anglais « notwithstanding » figurent comme équivalents l’un de l’autre et le terme « nonobstant » n’est pas du tout mentionné. En outre, l’expression « clause nonobstant » donne lieu à l’apposition d’un nom et d’une préposition, ce qui n’est pas conforme aux règles de la syntaxe. Enfin, le terme français « clause » s’utilise surtout en matière contractuelle et testamentaire et ne convient pas lorsqu’on parle d’une disposition constitutionnelle ou législative (voir le point de langue intitulé Dispositions et provisions).

 

Ainsi, l’expression à retenir en français est « disposition de dérogation » ou, plus précisément, « disposition autorisant la dérogation ». Notons que l’expression « disposition dérogatoire » vise une disposition qui est prévue par une loi ordinaire et qui renferme ou constitue une dérogation à des droits et libertés garantis par la Charte. Bref, la disposition de dérogation – à savoir l’article 33 de la Charte – sert de fondement juridique aux dispositions dérogatoires énoncées dans les lois ordinaires.

 

Pour en apprendre davantage sur la Constitution canadienne, lisez notre article de blogue intitulé « L’ignorance constitutionnelle : La Constitution n’est toujours pas bilingue ».