2025
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À propos de la ressource
Renvoi relatif à la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, 2024 CSC 5 (Résumé)
FAITS
En 2019, à la suite d’un processus de consultation et de collaboration avec les peuples autochtones, le Parlement du Canada adopte la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, LC 2019, c 24 (« Loi »). Le gouvernement du Québec conteste, par un renvoi à la Cour d’appel du Québec, la constitutionnalité de la Loi (Décret 1288-2019, (2020) 152 G.O. II, p. 154).
La Cour d’appel du Québec est d’avis que la Loi est constitutionnellement valide, à l’exception de l’art 21 et du para 22(3), car ces dispositions outrepasseraient la compétence du Parlement du Canada (2022 QCCA 185). L’art 21 prévoit que les textes législatifs d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtone ont force de loi à titre de lois fédérales. Selon le para 22(3), ces textes législatifs l’emportent sur les dispositions incompatibles d’une loi provinciale, ou d’un règlement pris en vertu d’une telle loi.
Le procureur général du Québec et le procureur général du Canada interjettent appel de l’avis rendu par la Cour d’appel. Selon le procureur général du Québec, la Loi est ultra vires parce qu’elle empiète indûment sur certains domaines relevant de la compétence exclusive des provinces, et parce qu’elle représente une tentative de modification unilatérale de la Constitution. Le procureur général du Canada soutient le contraire : la Loi constitue un exercice valide du pouvoir de légiférer du Parlement en vertu du para 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867.
QUESTION EN LITIGE
La question soumise par le renvoi est : « La Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis est-elle ultra vires de la compétence du Parlement du Canada en vertu de la Constitution du Canada? » (Décret 1288-2019, p. 155).
RATIO DECIDENDI
La Loi porte sur les relations au sein des familles autochtones et le contrôle que les collectivités autochtones exercent sur les enfants autochtones. Elle concerne ce qu’on appelle l’autochtonité, l’indianité ou la « quiddité indienne », c’est-à-dire les Autochtones en tant qu’Autochtones. Cela commande son rattachement au para 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 (2024 CSC 5, para 2).
ANALYSE
1. Contexte
La Commission de vérité et réconciliation du Canada a formulé des appels à l’action en lien avec la protection des enfants autochtones. Notamment, l’appel à l’action no4 demande au gouvernement fédéral de mettre en place des dispositions législatives qui établissent des normes nationales et qui prévoient des principes qui confirment « le droit des gouvernements autochtones d’établir et de maintenir en place leurs propres organismes de protection de l’enfance ».
La Commission a également demandé au gouvernement d’adopter et de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (« DNUDPA ») en tant que cadre pour la réconciliation. Ainsi, le Parlement a édicté la Loi sur la DNUDPA, LC 2021, c 14, qui intègre dans le droit positif interne du Canada la DNUDPA. C’est donc conformément à ses engagements en lien avec la DNUDPA que le Parlement a promulgué la Loi qui fait l’objet du présent renvoi (2024 CSC 5, paras 13–19).
2. Cadre d’analyse
Pour déterminer la validité constitutionnelle d’une loi, le tribunal doit procéder en deux étapes.
(1) Qualification : le caractère véritable de la Loi
D’abord, le tribunal doit identifier le caractère véritable de la loi en identifiant l’objet et les effets de la loi. Pour identifier son objet, il prend en considération des éléments de preuves intrinsèques comme le préambule de la loi et ses dispositions. Des éléments de preuve extrinsèques sont également considérés, comme le Hansard. Quant à l’examen des effets, cela implique de s’intéresser aux effets juridiques découlant directement des dispositions de la loi elle-même (2024 CSC 5, para 39).
Selon la Cour suprême, la Loi en l’espèce a comme caractère véritable de « [protéger] le bien-être des enfants, des jeunes et des familles autochtones en promouvant la fourniture de services à l’enfance et à la famille culturellement adaptés et, ce faisant, [favoriser] le processus de réconciliation avec les peuples autochtones » (2024 CSC 5, para 41).
(2) Classification : compétences énumérées dans la Loi constitutionnelle de 1867
Ensuite, le tribunal doit classifier cette loi parmi les compétences énumérées aux arts 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 (2024 CSC 5, para 37).
Selon la Cour suprême, la compétence prévue au para 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 concerne « ce qu’on appelle la “quiddité indienne”, l’indianité ou l’autochtonité, c’est-à-dire les Autochtones en tant qu’Autochtones ». Établir des normes nationales et faciliter la mise en œuvre des textes législatifs d’un groupe, d’une collectivité ou d’un peuple autochtones sont des mesures qui relèvent nettement des pouvoirs du Parlement en vertu du para 91(24). La Loi est donc intra vires de la compétence du Parlement sur les « Indiens » (2024 CSC 5, paras 93–95).
DISPOSITIF
À la question posée par le renvoi, la réponse est : non. L’appel du procureur général du Québec est rejeté et l’appel du procureur général du Canada est accueilli.