R c Myers, 2019 CSC 18 (Résumé)

Quelle est la manière adéquate pour les juges de procéder à l’examen d’une détention d’un prévenu avant procès? L’arrêt R c Myers, 2019 CSC 18 explique les étapes à suivre dans le cas d’une telle révision de la détention.

 

FAITS

Le 4 janvier 2016, l’intimé, M. Myers, est arrêté et accusé de nombreuses infractions incluant notamment l’occupation d’un véhicule automobile à bord duquel se trouvait une arme à feu prohibée et la possession d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte.

 

Le 9 novembre 2016, l’intimé demande pour la première fois d’être libéré sous caution. Toutefois, le juge de première instance détermine que les risques de récidives de l’accusé sont élevés principalement en raison de ses antécédents judiciaires (non-respect des ordonnances judiciaires, plusieurs condamnations antérieures, etc.). Le juge a donc refusé d’accorder une libération sous caution et a plutôt ordonné une détention en conformité avec l’alinéa 515(10) du Code criminel.

 

En mars 2017, le procureur du ministère public demande à la défense si M. Myers désire demander un contrôle de sa détention après 90 jours en vertu de l’article 525 du Code criminel.

 

Myers n’a pas présenté de demande de contrôle de sa détention en raison des critères applicables dans un tel cas. L’accusé doit convaincre le juge qu’il y a eu un délai anormal dans les procédures lié à sa détention par la faute du ministère public ou convaincre le juge que l’écoulement du temps a eu d‘importantes conséquences sur les raisons qui ont motivé la détention du prévenu à l’origine.

 

Le 29 janvier 2018, M. Myers a plaidé coupable à des accusations réduites et il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 30 mois. Le pourvoi en question est donc théorique puisque M. Myers n’est plus détenu avant procès. Cependant, compte tenu de l’importance que soulève la question pour l’ensemble du système juridique, la Cour suprême a utilisé son pouvoir discrétionnaire pour entendre le pourvoi sur le fond.

 

QUESTION EN LITIGE

Quelle est la façon adéquate de procéder à l’examen d’une détention en vertu de l’article 525 du Code criminel ?

 

RATIO DECIDENDI

La mise en liberté à la première occasion raisonnable et aux conditions les moins sévères, lors des procédures préalables au procès, est la présomption applicable par défaut en droit criminel canadien. La détention avant le procès est l’exception et non la règle.

 

ANALYSE

Le libellé de l’article 525 du Code criminel, met en évidence quatre objectifs clairs du législateur :

(1) Éviter les arrestations et les détentions préventives non nécessaires ;

(2) Empêcher qu’une personne, peu importe sa situation financière, arrêtée avec ou sans mandat, ne soit détenue sans nécessité jusqu’à son procès ;

(3) Permettre à ceux qui sont détenus avant procès d’être jugés dans les plus brefs délais ;

(4) Prévenir les injustices discrétionnaires en établissant la procédure criminelle à suivre dans les cas d’arrestations et de cautionnements.

 

Pour résoudre la problématique soulevée dans des décisions contradictoires, la Cour affirme que considérer l’existence d’un délai anormal comme une condition préalable à l’examen de la détention est une erreur de droit. Cependant, les délais anormaux peuvent être pris en considération lors de l’examen de la détention afin de s’assurer que celle-ci est toujours pertinente et justifiée.

 

Les étapes à suivre lors de l’examen d’une détention se résument donc ainsi :

 

  1. La demande d’audience

Le geôlier (la personne qui a la garde du prévenu) est tenu de présenter une demande d’audience dès l’expiration des 90 jours pour les actes criminels et 30 jours pour les procédures sommaires suivant la date à laquelle le prévenu a été conduit au départ devant un juge de paix en conformité avec l’article 503 Code criminel.

 

  1. La date de l’audience

À la réception de la demande d’audience faite par le geôlier, le juge est tenu de fixer la date de l’audience et en donner avis. Cette audience doit se tenir le plus rapidement possible.

 

  1. L’audience

Lors de l’audience prévue à l’article 525, le juge doit trancher la question suivante : le maintien en détention du prévenu sous garde est‑il justifié au sens du paragraphe 515(10) ? Le paragraphe 515(10)  prévoit que la détention du prévenu sous garde n’est justifiée que dans l’un des trois cas suivants :

(1) La détention est nécessaire pour assurer la présence du prévenu au tribunal ;

(2) La détention est nécessaire pour la protection ou la sécurité du public ;

(3) La détention est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public envers l’administration de la justice.

 

Afin de répondre à cette question, le juge peut analyser la transcription, les pièces et les motifs de l’audience initiale de mise en liberté provisoire ainsi que toute audience de révision subséquente. Il peut également tenir compte de tout délai anormal.  Les deux parties ont le droit de présenter de nouvelles observations qui sont pertinentes pour l’analyse du juge, par exemple, un changement à la situation du prévenu. Le juge analyse avec déférence les conclusions de faits établies par le juge de première instance lorsque rien ne justifie de les modifier.

 

Le juge doit également s’assurer que la détention du prévenu ne risque pas de miner la confiance du public envers l’administration de la justice. En effet, si le temps passé en détention par le prévenu est égal ou supérieur à la peine qu’il purgerait s’il était déclaré coupable ou si ce temps incitait l’accusé à inscrire un plaidoyer de culpabilité, les risques de compromettre l’intégrité du système de justice criminelle sont grands.

 

  1. En cas d’absence d’audience initiale

Dans les cas où le prévenu n’a pas fait l’objet d’une audience initiale sur sa mise en liberté sous caution en raison, par exemple, d’une inversion du fardeau de preuve, le juge saisi d’une demande de révision doit tenir une telle audience en prenant en considération le temps que le prévenu a déjà passé en détention avant la tenue de son procès.

 

  1. Les motifs justifiant la détention

Dans tous les cas, l’article 525 Code criminel exige que le juge donne des motifs au prévenu, qu’il soit représenté ou non par un avocat, afin de l’informer des raisons qui justifient ou non le maintien de sa détention.

 

 

DISPOSITIF

Puisque l’affaire est théorique, le pourvoi est accueilli sans rendre aucune autre ordonnance.