Google Inc c Equustek Solutions Inc. est un arrêt de la Cour suprême du Canada en propriété intellectuelle.

 

Faits

Equustek Solutions inc. (« Equustek »), une entreprise de la Colombie-Britannique, intente une action contre son distributeur, Datalink Technology Gateways Inc. (« Datalink »), qui vend ses produits contrefaits sur Internet. Equustek obtient plusieurs ordonnances interdisant la vente des produits, mais cela n’empêche pas Datalink de poursuivre ses activités commerciales. L’entreprise demande alors à Google de délister les sites Web de Datalink. À la suite de son refus d’obtempérer, Equustek obtient une injonction contre Google l’obligeant à délister les sites Web de Datalink de son moteur de recherche, ce qui est seulement fait en partie. Malgré ces mesures, Datalink poursuit la vente de ses produits en contravention des ordonnances judiciaires. Equustek obtient finalement de la Cour suprême de la Colombie-Britannique une injonction interlocutoire de portée extraterritoriale interdisant à Google d’afficher toute partie des sites Web de Datalink dans ses résultats de recherche partout dans le monde. L’injonction interlocutoire est confirmée par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique.

Question en litige

Est-ce que Google peut se voir ordonner, en attendant la tenue d’un procès, de délister l’ensemble des sites Web d’une entreprise qui utilise, en contravention avec plusieurs ordonnances judiciaires, ces sites pour vendre illégalement les éléments de propriété intellectuelle d’une autre entreprise?

RATIO DECIDENDI

L’octroi d’une injonction interlocutoire est une décision discrétionnaire qui commande un degré élevé de déférence. Les trois critères encadrant l’octroi d’une injonction interlocutoire sont repris dans l’arrêt RJR MacDonald:

  1. Il doit exister une question sérieuse à juger;
  2. Le fait de ne pas accorder l’injonction causerait un préjudice irréparable;
  3. La prépondérance des inconvénients favorise l’octroi de l’injonction.

Il faut déterminer s’il est juste et équitable d’accorder l’injonction eu égard aux circonstances de l’affaire.

Analyse

Majorité

La Cour conclut que les critères associés à l’injonction interlocutoire sont établis en l’espèce et confirme la validité de l’injonction accordée contre Google. Google concède que les deux premiers critères sont satisfaits en l’espèce, mais soutient que l’octroi d’une injonction interlocutoire ne constitue pas un moyen efficace d’empêcher le préjudice irréparable et qu’elle n’est pas nécessaire. Or, la Cour estime plutôt que l’injonction interlocutoire est la seule façon efficace de réduire le préjudice causé à Equustek jusqu’à ce que le litige sous-jacent soit réglé et que l’injonction n’est pas préjudiciable à Google. Elle est d’ailleurs d’avis que Datalink doit sa survie au moteur de recherche de Google qui dirige les clients potentiels vers ses sites Web et conclut que Google a permis la poursuite du préjudice contre Equustek, et ce, au mépris de plusieurs ordonnances judiciaires.

Google tente de casser l’injonction en formulant certains arguments, qui sont tous rejetés. Premièrement, l’entreprise argumente que les tiers ne peuvent faire l’objet d’une injonction interlocutoire et que Google est un tiers au litige entre Equustek et Datalink. La Cour estime plutôt que les tiers peuvent être liés par une injonction interlocutoire, au même titre que les parties à une action. Les ordonnances Norwich et les injonctions Mareva, qui peuvent être rendues contre des tiers et leur imposer des obligations, sont d’ailleurs des exemples à cet égard. Deuxièmement, Google argumente que l’octroi d’une injonction interlocutoire ayant des effets extraterritoriaux est inapproprié et que l’ordonnance devrait se limiter au Canada et au site google.ca. La Cour rejette cette prétention en soulignant que la jurisprudence reconnaît la validité d’ordonnances à portée mondiale. D’ailleurs, la Cour conclut qu’une ordonnance à portée extraterritoriale constitue la seule façon de prévenir le préjudice irréparable considérant la dimension mondiale du présent litige. Finalement, la Cour rejette l’argument de Google voulant que l’injonction devienne permanente et conclut que la durée d’une injonction n’a pas pour effet de la transformer en une injonction permanente. La présente ordonnance a d’ailleurs une fin déterminée et prévoit que l’injonction est en vigueur « jusqu’à l’issue du procès relativement à la présente action ou jusqu’à nouvelle ordonnance de la cour » (para 17). Advenant le cas où l’injonction demeure en vigueur pendant une période excessive, les parties pourront demander sa modification ou son annulation.

 

Minorité

Les juges dissidents considèrent que l’ordonnance visant Google n’aurait pas dû être rendue et l’auraient conséquemment annulée en accueillant le pourvoi. Ils sont d’avis que l’ordonnance constitue une « réparation finale contre un tiers qui n’a pas agi illégalement, ni aidé à la perpétration d’un acte illégal, ni encouragé celle-ci » (para 56). Par conséquent, ils considèrent que le critère relatif aux injonctions interlocutoires établi dans RJR Macdonald n’est pas pertinent et qu’il faudrait plutôt appliquer le critère relatif à l’octroi d’une injonction permanente, qui n’est pas satisfait en l’espèce. Finalement, les juges minoritaires sont d’avis qu’Equustek dispose d’autres recours alternatifs afin de faire respecter ses droits.

Dispositif

La Cour suprême du Canada rejette le pourvoi et confirme la validité de l’injonction interlocutoire mondiale contre Google. Cette décision illustre qu’il est possible d’avoir une injonction à portée extraterritoriale délivrée à l’égard d’un tiers.

 


 

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Pour une utilisation des termes adéquate, consultez le lexique sur l’intelligence artificielle et le droit.