Colucci c Colucci, 2021 CSC 24 (Résumé)

Résumé d’un jugement de la Cour suprême du Canada en droit de la famille. 

FAITS 

M. Colucci et Mme Colucci se sont mariés en 1983 et ont divorcé en 1996. Le 13 mai 1996, le juge McMahon a rendu une ordonnance qui accordait la garde exclusive des deux enfants à Mme Colucci et obligeait M. Colucci à payer une pension alimentaire pour enfant. Les deux enfants des parties étaient alors âgées de 6 et 8 ans respectivement.  

 

Lorsque l’ordonnance a été rendue en 1996, les Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants n’existaient pas encore. En 2012, l’obligation de M. Colucci à payer une pension alimentaire pour enfants s’est terminée lorsque ses enfants n’étaient plus des enfants à charge. Depuis l’ordonnance de la Cour en 1996, c’est-à-dire pendant plus de 16 ans, M. Colucci n’a fait aucune contribution financière volontaire envers la pension alimentaire de ses enfants.  

 

En 2016, M. Colucci a demandé à la Cour une réduction de la pension alimentaire pour enfants et l’annulation de l’arriéré de la pension due à ses filles qui s’élevait alors à 170 000 $. 

QUESTIONS EN LITIGE 

  1. Quel est le cadre d’analyse applicable qui permet de régler les demandes de réduction rétroactive de pension alimentaire pour enfants fondées sur l’article 17 de la Loi sur le divorce?
  2. Quel est le cadre d’analyse applicable lorsque le parent débiteur demande une remise de l’arriéré de la pension alimentaire pour enfants fondée sur l’article 17 de la Loi sur le divorce?

 RATIO DECIDENDI 

QUESTION 1 

 

Afin de trancher une décision de réduction rétroactive de pension alimentaire, les tribunaux appliquent le cadre d’analyse suivant : 

 

  1. Le parent débiteur doit démontrer un changement important du revenu antérieur qui ne doit pas découler d’un choix ;
  2. Lorsque le changement important est prouvé, il y a une présomption que la pension alimentaire pour enfants sera réduite de façon rétroactive à compter de la date que le parent débiteur a réellement informé le parent créancier du changement. La période de rétroactivité est présumée ne pas surpasser les trois ans avant l’avis formel de la demande du changement de la pension alimentaire pour enfants ;
  3. Lorsque le parent débiteur n’a pas avisé réellement le parent créancier de son changement de revenu important, la pension alimentaire pour enfants est habituellement modifiée à la date de l’avis formel de la demande du changement ;
  4. Les tribunaux doivent conserver une grande discrétion lorsqu’ils modifient la période de rétroactivité de la pension alimentaire pour enfants selon les faits de chaque instance et selon ce qu’elles considèrent juste ;
  5. Lorsque la Cour décide de modifier la pension alimentaire pour enfants de façon rétroactive, le montant doit être quantifié.

Les facteurs qui permettent aux tribunaux d’utiliser leur pouvoir discrétionnaire afin de déroger à la présomption de la date de rétroactivité présumée sont :  

 

  • Une raison compréhensible justifiant le retard ;
  • Le comportement du parent débiteur ; et
  • La situation de l’enfant et les difficultés causées au parent débiteur.

QUESTION 2 

 

Le parent débiteur faisant une demande de remise de l’arriéré des paiements de pension alimentaire pour enfants fondée sur l’article 17 de la Loi sur le divorce doit faire preuve d’une incapacité de payer actuelle et future. 

La Cour confirme que c’est au parent débiteur faisant la demande de renverser la présomption contre l’annulation d’une partie ou du total des paiements arriérés. Le parent débiteur doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il ne peut pas et ne pourra jamais payer la pension alimentaire pour enfants même avec un système de paiement accommodant. 

 

ANALYSE  

QUESTION 1 

 

La Cour établit que les tribunaux doivent exercer une grande discrétion lors de l’application du cadre d’analyse puisque le droit de la famille est un domaine qui peut être très complexe et les faits varient beaucoup. 

 

En faisant référence à la décision D.B.S. c. S.R.G., 2006 CSC 37, la Cour confirme qu’il y a trois intérêts au sein du cadre d’analyse qui doivent être équilibrés afin de déterminer la période rétroactive de la pension alimentaire pour enfants : 

 

  1. Le besoin et le droit de l’enfant ou des enfants à recevoir la pension alimentaire pour enfants ;
  2. L’intérêt des parties et des enfants à ce que la pension alimentaire pour enfants soit claire, simple et prévisible ; 
  3. Les fluctuations de la situation financière du parent débiteur et les faits particuliers de chaque cas.

La Cour utilise les termes « avis réel » et « avis formel » dans le cadre d’analyse pour distinguer deux types d’avis de la part du parent débiteur : 

 

  1. L’avis réel du changement de la situation financière du parent débiteur signifie la communication au parent créancier d’une nouvelle situation financière lorsqu’elle a lieu et accompagnée d’une preuve suffisante ;
  2. L’avis formel signifie la demande officielle de changement de la pension de la part du parent débiteur.

En appliquant son pouvoir discrétionnaire, le tribunal peut déroger à la présomption d’application de la date de rétroactivité présumée lorsque les conséquences de celle-ci sont injustes. Les facteurs qui auront généralement un impact sur la détermination de la période rétroactive sont : 

 

  • Le retard de communiquer un changement important du revenu ;
  • Un manque d’effort de communiquer et de contribuer à la pension alimentaire pour enfants sans bonne raison ; et
  • La situation de l’enfant et les difficultés causées au parent débiteur.

Dans la présente cause, pendant dix-huit ans, il y a eu un manque de communication et de divulgation de preuve financière de la part de M. Colucci au parent créancier. M. Colucci n’a pas présenté de preuve au parent créancier relativement au changement de sa situation financière et pour cette raison, la Cour confirme qu’il n’y a pas eu d’avis réel donné au parent créancier. 

La Cour conclu que M. Colucci n’a pas le droit à une réduction de pension alimentaire pour enfants basée sur une baisse de revenu. 

 

QUESTION 2 

 

La Cour déclare que l’annulation de l’arriéré de la pension alimentaire pour enfants est accordée seulement en tant que dernier recours. Les tribunaux disposent d’un pouvoir discrétionnaire très limité lorsqu’ils tranchent une telle demande.  

 

L’annulation d’arriéré d’une pension alimentaire pour enfants est une dette valable qui doit être payée comme n’importe quelle autre obligation financière. L’article 17 de la Loi sur le divorce ne permet pas la réduction ou la modification de la pension alimentaire pour enfants trop facilement parce que cela aurait un effet négatif sur la reconnaissance et l’importance des ordonnances judiciaires. 

 

Selon la Cour, M. Colucci ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir qu’il est incapable de payer la pension alimentaire pour enfant actuellement ou dans le futur puisqu’il n’a pas présenté suffisamment de preuve et il a représenté de manière inexacte sa situation financière tout au long de l’instance. 

 

DISPOSITIF 

Le pourvoi est rejeté avec dépens. M. Colucci doit payer 170 000 $, soit la pension alimentaire pour enfants due au parent créancier. 

 

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